Des administrateurs compétents

Paru dans le 24Heures du 20 février 2003Jean-François Tagini est catégorique: « Comme on a les copains qu’on mérite, on a les administrateurs qu’on mérite. » Pour ce consultant établi à Blonay, les violentes secousses qui ont ébranlé, tout récemment, le Credit Suisse et la Rentenanstalt, sans parler de la déconfiture de Swissair, ont agi comme des révélateurs. Le mode de recrutement des administrateurs qui a prévalu durant des années et des années, sans être remis en question lorsque les affaires de l’économie privée se développaient harmonieusement, a lourdement failli dès que le vent de la conjoncture a tourné. Le système du copinage a montré ses limites. Choisir des administrateurs parce qu’ils ont des noms et des fonctions prestigieuses ne sert souvent qu’à embellir un rapport de gestion. Et si ces personnes même parmi les plus capables collectionnent les mandats, on est en droit de penser qu’elles n’ont pas le temps suffisant pour se consacrer sérieusement à chacun d’entre eux, surtout lorsque la récession exige un engagement accru.Les risques augmentent »Il ne faut pas se leurrer, poursuit Jean-François Tagini. Dans les conditions actuelles, trouver des administrateurs non seulement compétents mais qui acceptent de s’investir dans leur mandat devient de plus en plus difficile. Ces postes sont soumis à des contraintes et à des prises de responsabilités plus fortes qu’autrefois. Les risques augmentent. Alors pourquoi n’investirait-on pas la même énergie et les mêmes moyens que l’on met en œuvre pour engager les membres d’une direction et développer leurs compétences, mais cette fois pour les membres des conseils d’administration? » Dans le fond, le consultant propose que la même procédure soit utilisée pour les uns et les autres, en recourant dans les deux cas à une démarche aussi rigoureuse, menée de façon méthodique et scientifique. « Il s’agit de recruter un nouveau membre du conseil qui apporte des complémentarités non seulement en termes de compétences techniques et stratégiques mais aussi sur le plan de la personnalité et des valeurs personnelles. Sa motivation revêt une importance fondamentale. Il doit être prêt à s’engager pleinement pour la société, au même titre que son directeur général. La rémunération de l’administrateur est certes importante mais elle n’est pas primordiale. Il est dès lors difficile de trouver toutes ces qualités chez une personne qui cumule les sièges dans les conseils d’administration. »Concrètement, le conseil d’administration est amené à remplir un questionnaire qui définit le profil idéal du membre appelé à compléter l’équipe. On peut également dessiner, à l’aide d’un autre questionnaire, le profil moyen de cette équipe afin de mieux préciser la complémentarité que devra apporter le nouveau venu. « A partir de là, le consultant travaille comme un chasseur de têtes. A cette nuance près qu’il ne va pas débaucher des personnes. Nul besoin d’aller jusqu’à Paris pour trouver un bon administrateur, il y a suffisamment de gens compétents en Suisse romande, surtout s’il s’agit de compléter le conseil d’une PME. En phase de sélection, le consultant réalise un « assessment » des candidats capables, afin de valider l’adéquation entre le poste d’administrateur et l’individu, comme il le fait lorsqu’il s’agit d’engager le cadre d’une entreprise. »Déjà engagé dans l’application de sa méthode, Jean-François Tagini s’est fixé une première échéance. Dès 2005, en effet, les premières opérations de Teambuilding doivent être mises en place au sein des conseils d’administration. Comme elles existent déjà au sein des directions des entreprises. « Ces opérations permettent aux administrateurs de se remettre en question et de travailler véritablement en équipe. Elles contribuent à resserrer les liens et à mieux développer des synergies entre eux. Il est même possible d’envisager le coaching de membres du conseil qui ont trop confiance en eux, par exemple, ou ont des personnalités trop fortes pour coopérer avec les autres. Finalement, toutes ces démarches visent à professionnaliser les mandats d’administrateurs. Avec cette contrainte, très actuelle, que le marché pousse les administrateurs à réfléchir et à prendre des décisions à court terme; d’où la nécessité de placer, parmi eux, des gens qui ont la faculté de réfléchir à plus longue échéance à tout ce qui constitue la stratégie de l’entreprise. »ÉTIENNE OPPLIGER

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